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24 juillet 2015 5 24 /07 /juillet /2015 13:53

 

La cerise de la discorde

 

Beach House est la quintessence de la pop indé telle que les anti-sucreries la détestent. Ce plaisir d'une adolescence fantasmée entre dépression cool, passions amoureuses éternelles, et difficultés à passer à l'âge adulte. Mais jusqu'à présent, dans cette veine, Beach House était l'un des seuls, si ce n'est l'unique à venir piquer à vif au milieu de leurs manèges mélodiques. Teen Dream et Bloom restent à ce titre des chefs d'oeuvre dans leur alternance de titres rêveurs et abstraits ("Norway", "On the sea"), et d'autres à l'émotion déchirante et aux mille sens ("Walk in the park", "Wishes").

 

Mais ça, comme disent les opticiens Krys, c'était avant. Il y a 3 ans, en vérité. Et aujourd'hui Victoria Legrand (chant, claviers) et Alex Scally (guitare) doivent prouver que Beach House peut aller plus loin que les boîtes à rythme cheap, l'air de synthé à 3 doigts et les 2 cordes de guitares. Après tout, c'est ce qui, objectivement, constituait leurs quatre premiers disques. Hélas la cerise de la dépression n'est pas de celles que l'on met sur un gâteau.

Dès l'intro de Depression Cherry sur "Levitation" une question se pose : est-ce que je me suis trompé de disque et j'ai remis Bloom ? Le son de clavier est sensiblement le même, la mélodie rappelle clairement deux ou trois autres "classiques" ("Irene", "Troublemaker"). Le titre est joli mais ne décolle pas et la voix de Victoria Legrand est définitivement en retrait. Soit, avancons ... ah tiens "Space Song" est à peu près la mélodie de "Walk in the park" mais à l'envers, même la boite à rythme est reprise ! "PPP" quand à elle mime une version épaissie en chantilly de "Take care of you" tiré de Teen Dream.

 

Pour ne pas tergiverser et chercher la petite bête, nous allons donc résumer l'affaire : ce disque est une collection de face-b. Certaines plus réussies ("Wildflower") que d'autres sacrément ronflantes ("Days of Candy"). La seule exception, mise en avant comme le single (trompeur) est "Sparks", qui se permet un (petit) penchant shoegaze en début et fin de titre. Soyons franc, il n'y a pas de quoi crier à la transfiguration ou à la renaissance. Et là n'est pas le problème. Il se situe à ce point où toutes les critiques contre le groupe deviennent réalité : mélodies fainéantes, chant à peine audible, émotion factice. Premier à refuser ces arguments auparavant, votre serviteur ne peut que plier comme la branche devant un disque bâclé qui fait office de congés payés plus que de nouveau CDD pour le groupe. Un certain cynisme quand on s'appelle "Maison sur la plage".

 

5/10

 

Sortie : 28 Août

Label : Bella Union

 

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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 15:01

 


 

Il fait froid dans ces rues d'une commune grand lyonnaise dont je ne nommerai pas le nom puisque Ground Zero est une secte digne d'Anonymous ces jours-ci. Après une vingtaine de minutes de marche, je vois quelques jeunes encapuchonnés ouvrir discrètement un portail et le refermer. Voilà la porte secrète, celle qui va m'amener à cette soirée « Guitares et Pyrotechnie », fusionnant Binaire, Dope Body et PNEU. Ah, et John Niekrasz, que je n'ai pas vu mais dont le nom rapporterait une chiée de points au Scrabble. Binaire joue un rock un brin punk très synthétique, au sol, et pied au plancher. Même s'ils se qualifient de groupe « industrialpunk », le duo marseillais (guitare/synthé/basse/boite à rythme...) sait surtout mêler les calins noisy et les claques mélodiques. Si à quelques moments on pense sévèrement à un Marvin qui aurait lâché le vocoder et le trip spatial, le voyage s'avère bien plus agressif en général. Ce qui transpire, et c'est un peu le thème de la soirée, c'est que le groupe vit, mange, boit et concert chaque semaine de l'année. Aucun blanc, des rythmiques qui passent d'une balançoire à la "Atlas" de Battles à un merdier trash-punk, un gars qui déblatère 2-3 trucs au milieu, une basse épileptique : du poulet sonore aux hormones.

 

 

Passons au corps succulent du chanteur de Dope Body, un croisement improbable entre le physique d'Iggy Pop jeune, la coupe de Dominique Rocheteau trentenaire, et la moustache trop fine pour ne pas crier « hipster ». Ces quatre garçons dans le vent, perdus dans un trou paumé loin de leur Baltimore chéri, vont soulever des caissons de décibels et par là même, de bouchons d'oreille. Cavalcades noise-rock épiques, descentes free-regardez-on-tripote-nos-instruments, remontées punk-rock/fusion dans la boue : ils font un peu n'importe quoi, n'importe quand, mais pas n'importe comment. Pour être honnête, le génie du groupe est justement d'avoir l'air constamment chaotique de façon organisée. Star du show, Andrew Laumann (chant) est pourtant le plus branleur de tous : il consacre en moyenne 30 secondes à brailler et le reste du morceau, à évacuer les mouches fictives qui le harcèlent. Quelques fois, il se pose en éfigie pour que les filles regardent son ventre galbé, des étoiles et quelques grammes dans les yeux. Derrière, c'est le turbin : David Jacoby (batterie) fait la pieuvre en 18 positions sans s'arrêter, le gratteux essaye de marier Rage Against the Machine et Melt Banana, et le bassiste se démène pour arrondir les angles avec le son le plus « amical ». Chaque morceau excite un peu plus le public, et partant du plus criard pour amadouer le jeune underground, le groupe arrive au final à faire avaler la quasi-pop « Road Dog ». Heureusement, le groupe met fin à tout débat avec l'incroyable et violent « Leather Head ».

 

Même pour notre géant du noise-math-rock national PNEU, il n'est pas facile de prendre la suite d'une telle déflagration « à l'américaine », cheveux soyeux et têtes d'anges. Le début de leur concert est brutal, et peut-être la fatigue ou la chute d'adrénaline rendent ces 20 premières minutes juste « bonnes ». J'ai trouvé : j'étais derrière les enceintes, il fallait que j'aille emmerder les gens de l'autre côté pour avoir une meilleur perspective. Me voilà revenu dans le PNEU, celui du cercle qui saute à chaque coup de caisse claire de JB, ou crie quand Jay lâche sa guitare une demie-seconde pour monter la tension. Les titres du dernier album au doux nom de « Destination Qualité » sont mêlés à ceux d'Highway to death, même si je vous l'avouerai de suite : rien ne ressemble plus à du PNEU que du PNEU (et les noms des titres sont in-retenables).

La deuxième partie du concert, celle loupée par les gens qui rentrent en transport en commun, est hélas pour eux bien au dessus. Le public a retrouvé ses esprits, sa bière, mais le groupe a aussi retrouvé un peu de relief avec des titres moins « insaisissables ». Le groupe est à son meilleur quand il trouve la balance entre efficacité et provocation, et ce « sweet spot » est atteint pendant une petite demie-heure, rappel et douche comprise. Un demi-orgasme, c'est mieux que rien.

 

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10 mai 2013 5 10 /05 /mai /2013 14:20

Fairest of the season

Quand approche la période des bourgeons en fleurs et des jupes trop courtes, à la radio, dans les magazines, sur le webzine que vous croyiez au delà de ça, c'est toujours la même merde. Et vas-y que j'ai ton "titre le plus frais des vacances", la "bande-son de votre été", "pour sûr le groupe révélation qui fera briller vos barbecues à la plage". Alors oui Alba Lua, c'est un groupe de pop ensoleillée, et me regarde pas en coin parce que c'est aussi commun que des hipsters à un concert de Bon Iver. Alors passons tout de suite à ce qu'il y a de "pas commun" ici: Alba Lua sont bordelais donc français et pourtant jamais cheap ou caricaturaux dans leur approche de la pop.

 

Inner Seasons est un faux album neuneu, qui enlève la posture froide mais garde le grandiose d'un Beach House ("Hermanos de la Lluvia", "My Sleeping Season"), fait du surf dans le désert avec les Byrds et les Shadows ("Nobody's child", "When I'm roaming free") et fout la honte à Veronica Falls sur quelques bombinettes sautillantes ("She's got a crush on you", "Permanent Vacation"). Du name-dropping en cascade simplement pour expliquer que Alba Lua sonne dans l'air du temps, mais possède assez de relief sonore (qui d'une décélération psychédélique, qui d'un chant qui s'emballe dans les cymbales et le clavier) pour faire oublier leurs ancêtres pendant quelques secondes. Ce moment où toi, aigri de la vie, tu regardes à la fenêtre et tu apprécies les choses les plus futiles parce qu'elle offrent une réminiscence d'un rêve, vécu ou fantasmé. La bande-son de votre ...

7/10

Sortie: 6 Mai 2013

Label: Roy Music

 

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 20:55

http://ecx.images-amazon.com/images/I/413Q6iygkRL._SL500_AA300_.jpg

Livré avec brouillard anti-directionnel


On ne sait plus vraiment que penser de l'avenir des Strokes depuis 2011 et la sortie d'Angles, quatrième disque des New-Yorkais après un hiatus de 5 ans. Julian Casablancas (chant) délaissait la place du songwriter principal à ses anciens camarades, trop occupé qu'il était à tourner pour son album solo et expliquer en interview que l'ambiance chez les Strokes était très tendue. De cette période étrange de reformation est né un assemblage sonore incohérent, tiraillé entre la nécessité de satisfaire le vieux fan ("Undercover of darkness") et l'appétit pour des sonorités nouvelles (les horribles synthés cheap sur "Games", le vocoder sur "You're so right").


Comedown Machine possède aussi cette envie d'expérimenter, de s'écarter du trésor de guerre que représentent Is This It et Room On Fire. Ils gardent ici l'obsession des gimmicks kitsh façon années 80, on signale le clavier "Take On Me" de "One Way Trigger", la basse slappée de "Tap Out" et le falsetto et le synthé tremolo de "Chances". Pour les pauvres espérant un retour aux sources, la seule nourriture rétro-rock, "All The Time", sera bien peu suffisante.


Mais Comedown Machine surprend en bien lorsqu'il montre une espièglerie maîtrisée, comme la tentative funky "Welcome To Japan", la pop délicate et sucrée de "Slow Animals", ou le punk-rock crooné de "50/50" qui rappellera aux plus hardcore-fans leur reprise du "Clampdown" des Clash. Là où le bas blesse, c'est que si le groupe a regagné ses capacités (les guitares acérées qui s'imbriquent, le duo basse-batterie tantôt nerveux ou groovy), son chanteur ne sait pas souvent quoi faire. La nouvelle passion de Casablancas est la voix de tête, et, sans doute du fait qu'il n'a pas les capacités de Jonsi de Sigur Ros (jolie imitation sur "Chances" d'ailleurs), les effets (reverb, overdub) sont indispensables, et le sous-mixage assez évident. On passe donc la moitié du disque à tendre l'oreille pour comprendre et "apprécier" les grands écarts vocaux . Dommage pour une des voix les plus charismatiques du circuit rock.

 

Il faudra encore du temps pour savoir si Comedown Machine signe la mort ou le premier pas de la renaissance des Strokes, il y a tous les arguments ici pour les deux hypothèses, il est l'heure de choisir un camp.

6/10

Label: RCA

Sortie: 25 Mars 2013

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 10:29

http://images.hitfix.com/photos/2755001/61mOOn2Z5kL._SL500_AA300__event_main.jpg

Déprime-floor

 

Atoms For Peace est au départ un groupe live formé par Thom Yorke pour jouer son premier album solo, The Eraser, lors d’une tournée en 2009. Quand on a mené le groupe de rock indépendant le plus populaire des deux dernières décennies, on peut se payer un backing band de stars: Flea des Red Hot, Joey Waronker (batteur chez Beck et R.E.M) et bien sûr le gourou Nigel Godrich (synthé et guitare) pour emmener sa barque. Mais cette bande de potes est devenue sérieuse et nous voilà avec un véritable album du groupe Atoms For Peace, alors que Radiohead sort d’un album qui a fait flop chez leurs fans et les critiques de tous poils.

 

Clarifions d’abord deux points essentiels : Amok est un disque de musique électronique, et  Amok ne sonne aucunement comme un groupe live. La patte de Yorke est partout, bouffant une quelconque idée de projet collaboratif : la rythmique claudicante et les arpèges slidées de "Stuck Together Pieces", la basse anxiogène et la reverb nocturne de "Default", l’influence dubstep et les nappes labyrinthiques sur "Amok", tout rappelle qu’il est aux manettes. Ce n’est pas un mal car au final on a à faire là à ce que Radiohead n’a pas osé faire sur King Of Limbs, se livrer une nouvelle fois aux machines et prendre le chemin inverse d’un Kid A, explorer les possibilités de l’électronique de façon assumée et ambitieuse.

 

Yorke ne cesse depuis des années d’apparaître en DJ Set, de s’imiscer en featuring chez Flying Lotus, Burial, Four Tet. Il était temps qu’il fasse un pas en avant qui va plus loin que des démos perdues sur son mac (The Eraser, très bon album au demeurant). Il ne veut plus faire réfléchir, il veut faire danser, dans une transe qui scintille de mélancolie ("Before Your Very Eyes"), avant un déhanchement triste dans un club vide ("Ingenue"), et une course vers le dernier bus qui ramène à un quotidien terne, urbain, moderne ("Reverse Running").

 

Amok est une succession de jams, bribes de chansons, mouvements sonores qui déraillent et s’emboitent, comme des citadins qui se frôlent et se repoussent en attendant de trouver l’atome crochu. Un disque qui arrive finalement à s’extraire de l’exercice futile que l’on craignait, par la vision d’un musicien qui met sa voix en retrait pour laisser l’auditeur baigner dans sa propre solitude, faussement paisible, étrange, imprévisible. 

8/10

Label: Beggars

Sortie: 25 Février 2013

 

       

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 09:12

http://f0.bcbits.com/z/17/35/1735915579-1.jpg

Sirop d'érable français

Une fois n'est pas coutume, on va parler single, séveune incheuh vu que c'est un vinyle et que 45 tours ça pète moins la classe. Without My Hat Records, un micro-label lyonnais tout juste démarré, semble avoir flairé un très bon coup avec les français baroque-folkeux de Minors, déjà responsables d'un premier album avouons-le totalement passé hors de notre radar en 2011, Ways/Times.

 

Sur "Night Birds Lurking", Minors continuent à ponctionner le Canada, de Arcade Fire à Most Serene Republic, mais ils le font divinement bien, avec la puissance mélodique et un son "live" aux imperfections humaines et d'autant plus touchantes. Le titre serpente, laisse les cuivres jouer à cache-cache, fait éclater les violons en sanglots lyriques, puis une clarinette jazzy vient s'éteindre, un orgue prend le dessus et les voix chuchotant des prières redémarrent une batterie en ascension jusqu'à un envol beau et triste qu'il sera difficile de ne pas rattacher au "No Cars Go" de Butler et Lachassagne.

 

Pour retomber, "In Daylight" penche plus vers la joyeuse fratrie en freestyle bohémien, Sufjan Stevens qui jouerait avec Port-O'Brien en somme, la dimension parallèle où les hippies ont trouvé la grace mélodique et oublié la drogue. Les arpèges de guitare tourbillonnent, la caisse claire joue avec nos nerfs, militaire ou tribale ? solennelle ou sauvage ? et les choeurs viennent, l'ascenseur émotionnel obligatoire, toujours coupé dans sa chute chez MiNors, cela semble une règle. Tout ça pour faire durer le plaisir, comme cette fin où le titre se déshabille et part raconter son histoire vers l'horizon, dans un dernier écho.

9/10

Label: Without My Hat Records

Sortie: 18 Février 2013

En écoute sur Bandcamp

Vinyle dispo pour 5,50e sur Without My Hat Records

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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 15:08

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41gpJSFeIKL._SL500_AA300_.jpg

Un certain futur

Les montréalais de Suuns avaient démontré en 2010 leur capacité à moduler les machines et faire crisser les guitares sur un premier album hélas plombé par quelques tubes bien au dessus du reste ("Armed For Peace" et "Arena"). Leur art de la froide retenue et de l'angoisse dansée écartait ce Zeroes QC du tout-venant electro-rock, mais trop souvent les morceaux semblaient inachevés, comme de séduisant brouillons sonores. On ne pouvait s'empêcher de penser à un fanclub de Clinic grattant la surface de sa propre identité.

 

Images Du Futur conserve la capacité de Suuns à frustrer l'auditeur mais cette fois, elle est calculée et menée à son terme dans des mirages mélodiques plus intriguants, plus détaillés et vicieux. Enveloppée de membranes synthétiques, en pleine désintégration après une apocalypse aussi douce qu'une injection de morphine, la musique se fait plus lumineuse, mais d'une lumière clinique (uh uh), celle d'un neon pâle.

 

Suuns conservent leurs gimmicks: voix nasillarde chuchotée, rythmique glaciale, basses menaçantes mais laissent enfin leurs compositions prendre de l'espace, de l'ambition. La noirceur digne d'un club de junkie dépressif  (le tube "2020", "Bambi") est cette fois combattue par une lueur d'espoir (la psyché "Mirror Mirror", "Sunspot" et l'instru "Images Du Futur"). On oserait presque donner l'étiquette "pop" en parlant des choeurs de  "Minor Work" ou des douces arpèges sur "Edie's dream".

 

Lorsqu'on arrive au final "Music Won't Save You", qui pue le Kraftwerk à 2km avec sa boite à rythme d'usine et ses grondements de générateur électrique, il est difficile de se souvenir qu'un mur de guitares aigues avait ouvert le bal. Quelques secondes plus tard, un public se met à rire en arrière-plan, de plus en plus, alors que Ben Shemie (chant) marmonne un sombre discours comme drainé de toute émotion. Les Images Du Futur de Suuns sont belles, mais inquiétantes.

7/10
Label: Secretly Canadian

Sortie: 4 Mars

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11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 12:44

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Strike once again

Il est toujours sidérant qu'à chaque album de Sexsmith, on se sente obligé de crier au scandale de son relatif anonymat. Le canadien a écrit parmi les plus belles pages de la pop des dix dernières années, que cela soit dans un registre acoustique sur Retriever et Time Being ou crooner jazzy et soul avec Exit Strategy For A Soul, entre autres disques tous conseillés à quiconque veut comprendre le mot "mélodiste".


Son secret et peut-être sa faiblesse, c'est que Ron a toujours eu une sagesse de vieux singe mêlée à une voix d'ange (un Paul McCartney pour cabaret, un Bob Dylan fleur bleue). Après Long Player, Late Bloomer, dernier disque qui basculait vers le soft-rock avec une production musclée et un brin datée, Forever Endeavour est un joli retour à l'essentiel. Squelette folk, filet de voix discret mais distinct, tout cela réchauffé au choix par un piano bossa, des cuivres hollywoodiens ou mexicains, une guitare slide sudiste, des violons soul façon Motown ... Une panoplie que le cinquantenaire maîtrise à la perfection, et qui lui permet de délivrer des balades d'une évidence qui frôle le surnaturel: "If Only Avenue", "Lost In Thought", "Back Of My Hand" sonnent comme des classiques de votre enfance que vous auriez à peine oublié. Mention spéciale au morceau d'intro "Nowhere to go", qui s'inscrit déjà dans les plus beaux moments de la carrière du songwriter.

 

Comme protégé à jamais des temps modernes sous une cloche où il fabrique inlassablement les chansons que plus personne n'ose écrire (classiques, simples, drôles, sans fioriture), Ron Sexsmith a encore frappé juste et nous a vendu sa confiture avec la même facilité qu'à ses débuts. L'artisanat, un métier d'avenir ?

8/10

Label: Cooking Vynil

Sortie: 4 Février 2013

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 22:22

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51KiajLzERL._SL500_AA300_.jpg

C'était mon âme soeur, mec.

Le trio écossais Biffy Clyro possède cette trajectoire musicale qui peut pousser un die-hard fan à reconsidérer son propre jugement au bout de quelques albums. D'abord groupe punk-rock mélodique aux guitares angulaires (sur Blackened Sky), et aux explosions sonores gargantuesques (l'incroyable Vertigo Of Bliss), pour pousser jusqu'à des extrêmes de skyzophrénie et de vitesse (Infinity Land), il a décidé dans une seconde partie de carrière de prendre cette germe émotionnelle qui contrebalançait sa rage et ranger la bizarrerie au profit d'une pop larme-à-l'oeil (le décevant Puzzle) et de grands refrains pour les foules (Only Revolutions). La trajectoire donc, gardait sa logique en vue d'Opposites, un double-album prévu pour installer le groupe dans les sphères radio-rock britanniques, aux cotés de Muse ou Coldplay.

 

Et du grand spectacle pour stade, Opposites en offre: "Biblical" introduit des synthétiseurs et se finit en "woh oh" obligatoires, "Opposite" et "The Thaw"  sont des balades cent fois entendues aux briquets déjà allumés, "Stingin- Belle" paye son solo de cornemuse et sa batterie militaire pour un final digne d'une parade de Noël ... Ce genre de tentative gangrène la majeure partie de l'album, mais quand le groupe revient à son propos de départ (un trio nerveux sans fioritures avec un son maousse) ils peuvent encore faire hausser l'oreille.

 

On prend donc plaisir sur les turbulents "Modern Magic Formula", "Little Hospitals", et "Woo Woo" qui possèdent une dynamique ébouriffante et se placent même dans les meilleurs titres qu'a écrit le groupe. Mais à coté de ça, on ne peut pas vraiment pardonner une tentative electro-pop lyrique dégueulasse comme "Skylight" ou une sauce heavy-prog-mariachi héroïque. Oui c'est toi "Spanish Radio" dont je parle. Rajoutons pour clore le dossier que Simon Neil (chant/guitare) n'arrive plus à écrire autre chose que des textes d'adolescent boutonneux en fin de collège, sans aucun amour-propre et avec un vocabulaire sacrément limité.

 

Opposites n'est pas un mauvais disque car il réussit son entreprise de rendre les Biffys plus accessible, et dispose encore de quelques bijoux pour satisfaire les moins sentimentaux d'entre nous. Mais on aura du mal à se farcir ces 75 minutes sans avoir l'impression de consoler un pote devenu terriblement chiant après sa dernière rupture.

4/10

Label: 14th Floor

Sortie: 5 février


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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 14:31

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Ascension

Gorilla Manor, premier album de Local Natives, on aurait pas parié grand chose sur le futur de cette formation folk-rock, sorte de mix scolaire des Fleet Foxes et Grizzly Bear. Aucune tension, peu d'énergie, aucun charisme. C'est peut-être d'avoir laissé tomber la gimmick afro-pop, ou décidé de construire les mélodies à la verticale plutôt que l'horizontale, mais Hummingbird est une impressionnante métamorphose du groupe dans le son et l'intention.


La recette possède pourtant les mêmes ingrédients: clavier pour structurer, guitares pour enrouler, batterie pour remuer le tout, la méthode a bien changé.  Ici le groupe se laisse le temps de maturer une mélodie et n'essaye jamais de s'éparpiller ou forcer le propos. "Heavy Feet" sait souffler le chaud et le froid et possède une magie aérienne, "Ceilings" fait couler les arpèges de six cordes dans un synthétiseur timide et termine sa floraison juste à temps, "Wooly Mammoth" brise les repères rythmiques dans un tourbillon de piano-alarme et guitares brisées qui sortent au refrain dans une grande course pour toucher le soleil.

 

Ces images de ciel bleu après l'orage parcourent Hummingbird, collection de fantasmes oniriques de poche, où la mélancolie se fait réflexive et contemplative. La fin du disque fonce droit vers cette perspective d'épuration musicale avec la perle rare "Colombia" où la répétition du motif et des quelques paroles pourrait exploser très facilement en vol. Sauf qu'ils désamorcent la bombe d'un coup, et cela rend le titre d'autant plus intriguant et séduisant. Rendons grâce à Aaron Dessner (The National), producteur prometteur, qui a surement participé à la transition de Local Natives, d'un trottoir sonore passe-partout, à une montagne de nuances dans l'émotion.

8/10

Label: Pias Recordings

Sortie: 28 Janvier 2013


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