La cerise de la discorde
Beach House est la quintessence de la pop indé telle que les anti-sucreries la détestent. Ce plaisir d'une adolescence fantasmée entre dépression cool, passions amoureuses éternelles, et difficultés à passer à l'âge adulte. Mais jusqu'à présent, dans cette veine, Beach House était l'un des seuls, si ce n'est l'unique à venir piquer à vif au milieu de leurs manèges mélodiques. Teen Dream et Bloom restent à ce titre des chefs d'oeuvre dans leur alternance de titres rêveurs et abstraits ("Norway", "On the sea"), et d'autres à l'émotion déchirante et aux mille sens ("Walk in the park", "Wishes").
Mais ça, comme disent les opticiens Krys, c'était avant. Il y a 3 ans, en vérité. Et aujourd'hui Victoria Legrand (chant, claviers) et Alex Scally (guitare) doivent prouver que Beach House peut aller plus loin que les boîtes à rythme cheap, l'air de synthé à 3 doigts et les 2 cordes de guitares. Après tout, c'est ce qui, objectivement, constituait leurs quatre premiers disques. Hélas la cerise de la dépression n'est pas de celles que l'on met sur un gâteau.
Dès l'intro de Depression Cherry sur "Levitation" une question se pose : est-ce que je me suis trompé de disque et j'ai remis Bloom ? Le son de clavier est sensiblement le même, la mélodie rappelle clairement deux ou trois autres "classiques" ("Irene", "Troublemaker"). Le titre est joli mais ne décolle pas et la voix de Victoria Legrand est définitivement en retrait. Soit, avancons ... ah tiens "Space Song" est à peu près la mélodie de "Walk in the park" mais à l'envers, même la boite à rythme est reprise ! "PPP" quand à elle mime une version épaissie en chantilly de "Take care of you" tiré de Teen Dream.
Pour ne pas tergiverser et chercher la petite bête, nous allons donc résumer l'affaire : ce disque est une collection de face-b. Certaines plus réussies ("Wildflower") que d'autres sacrément ronflantes ("Days of Candy"). La seule exception, mise en avant comme le single (trompeur) est "Sparks", qui se permet un (petit) penchant shoegaze en début et fin de titre. Soyons franc, il n'y a pas de quoi crier à la transfiguration ou à la renaissance. Et là n'est pas le problème. Il se situe à ce point où toutes les critiques contre le groupe deviennent réalité : mélodies fainéantes, chant à peine audible, émotion factice. Premier à refuser ces arguments auparavant, votre serviteur ne peut que plier comme la branche devant un disque bâclé qui fait office de congés payés plus que de nouveau CDD pour le groupe. Un certain cynisme quand on s'appelle "Maison sur la plage".
5/10
Sortie : 28 Août
Label : Bella Union